RDC. Crise RDC-Rwanda : La colère de Kinshasa face à la « passivité » de l'Europe

Alors que les tensions repartent à la hausse dans l'Est, la diplomatie congolaise exprime sa « déception » et son « incompréhension » face au refus de l'UE de sanctionner Kigali.
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Le ton est monté d'un cran cette semaine dans les couloirs feutrés du forum Global Gateway à Bruxelles. La République Démocratique du Congo (RDC) a vivement dénoncé ce qu'elle perçoit comme un « deux poids, deux mesures » de l'Union européenne dans la gestion du conflit qui l'oppose au Rwanda. Une charge frontale qui expose au grand jour l'exaspération de Kinshasa et l'impuissance des diplomates.
« Confusion et déception » : le coup de gueule de la RDC
La ministre congolaise des Affaires étrangères, Thérèse Kayikwamba Wagner, n'a pas mâché ses mots dans un entretien accordé à EUObserver. « Si l’on considère la rapidité avec laquelle l’UE adopte des paquets de sanctions dans d’autres crises, très similaires à la situation dans l’est de la RDC, les mots qui traduisent le mieux notre position actuelle sont confusion et déception », a-t-elle déclaré.
Un désarroi qui fait directement écho à la vive interpellation, la veille, du président Félix Tshisekedi à son homologue rwandais Paul Kagame. Devant un parterre de diplomates, le chef de l'État congolais a lancé, sans détour : « Il n’est pas trop tard pour bien faire. Je vous demande d’ordonner aux troupes du M23, soutenues par votre pays, d’arrêter cette escalade qui a déjà fait des millions de morts. »
Des accusations que Kigali rejette d'un revers de main. Le ministre rwandais des Affaires étrangères, Olivier Nduhungirehe, a qualifié la sortie de son homologue congolais de « cinéma politique », dénonçant un « scandale » et un détournement de l'objectif du forum.
Un processus de paix au point mort
Cette passe d'armes verbale illustre la fragilité des avancées diplomatiques. L'accord de paix signé à Washington le 27 juin sous médiation américano-qatarienne semble déjà être une coquille vide. Kinshasa conditionne désormais toute rencontre au sommet entre Tshisekedi et Kagame à la résolution préalable du conflit avec le M23, renvoyant la balle dans le camp de Kigali.
Alors qu'un sixième cycle de négociations est prévu la semaine prochaine à Doha, l'heure est plus à la surenchère qu'à l'apaisement. La RDC réclame des actes, et notamment des sanctions ciblées de l'UE contre « les plus hauts responsables rwandais », pointant du doigt les « liens » entre le M23 et l'armée rwandaise, voire avec le président Kagame lui-même.
La RDC mise sur l'or pour sa souveraineté financière
Dans un contexte de crise géopolitique et de défiance, Kinshasa cherche par ailleurs à renforcer son autonomie. La Banque centrale de la RDC a annoncé une décision stratégique : constituer des réserves d'or pour la première fois de son histoire. Une initiative du nouveau gouverneur, André Wameso, visant à diversifier les actifs de la nation et à se prémunir contre l'instabilité des marchés.
Une décision d'autant plus cruciale qu'une partie de l'or congolais, dont le pays est le 10e producteur africain, est extrait illégalement et servirait, selon le gouverneur, à « financer des conflits ». Une manière pour la RDC de reprendre le contrôle de ses richesses, sur le plan économique comme sur le plan sécuritaire.
Alors que la communauté internationale semble en retrait, Kinshasa multiplie les fronts, entre dénonciation, diplomatie offensive et consolidation de sa souveraineté économique. La balle est désormais dans le camp de l'Europe et des médiateurs pour éviter une nouvelle escalade dans la région des Grands Lacs.
DRC-Rwanda Crisis: Kinshasa's Anger at Europe's "Passivity"
As tensions flare up again in the East, Congolese diplomacy expresses its "disappointment" and "incomprehension" at the EU's refusal to sanction Kigali.
The temperature rose a notch this week in the plush corridors of the Global Gateway forum in Brussels. The Democratic Republic of Congo (DRC) strongly denounced what it sees as a "double standard" by the European Union in managing the conflict with Rwanda. This frontal attack exposes Kinshasa's exasperation and the diplomats' impotence.
"Confusion and Disappointment": The DRC's Outcry
The Congolese Minister of Foreign Affairs, Thérèse Kayikwamba Wagner, did not mince her words in an interview with EUObserver. "If we consider the speed with which the EU adopts sanctions packages in other crises, very similar to the situation in eastern DRC, the words that best describe our current position are confusion and disappointment," she stated.
This dismay directly echoes the sharp call made the day before by President Félix Tshisekedi to his Rwandan counterpart Paul Kagame. Before an audience of diplomats, the Congolese leader stated bluntly: "It is not too late to do the right thing. I ask you to order the M23 troops, supported by your country, to stop this escalation which has already caused millions of deaths."
Accusations that Kigali brushes aside. Rwandan Foreign Minister Olivier Nduhungirehe described his Congolese counterpart's outburst as "political cinema," calling it a "scandal" and a diversion from the forum's purpose.
A Stalled Peace Process
This war of words highlights the fragility of diplomatic progress. The peace agreement signed in Washington on June 27 under US-Qatari mediation already seems like an empty shell. Kinshasa now conditions any summit meeting between Tshisekedi and Kagame on the prior resolution of the conflict with the M23, putting the ball back in Kigali's court.
With a sixth round of negotiations scheduled for next week in Doha, the mood is one of escalation rather than appeasement. The DRC is calling for action, specifically targeted EU sanctions against "the highest Rwandan officials," pointing to the "links" between the M23 and the Rwandan army, and even with President Kagame himself.
DRC Bets on Gold for Financial Sovereignty
In a context of geopolitical crisis and distrust, Kinshasa is also seeking to strengthen its autonomy. The Central Bank of the DRC has announced a strategic decision: to build up gold reserves for the first time in its history. An initiative by the new governor, André Wameso, aimed at diversifying the nation's assets and protecting itself from market instability.
A decision all the more crucial as a portion of Congolese gold—of which the country is the 10th largest African producer—is mined illegally and would, according to the governor, be used to "finance conflicts." A way for the DRC to regain control of its wealth, both economically and security-wise.
With the international community seemingly on the sidelines, Kinshasa is multiplying its fronts, between denunciation, offensive diplomacy, and consolidation of its economic sovereignty. The ball is now in Europe's and the mediators' court to prevent a new escalation in the Great Lakes region.
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Didier Cebas K.
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